Qu’est-ce qui explique le syndrome de l’imposteur.ice et comment le contrer ?

Dans le dernier épisode nous vous parlions du syndrome de l’imposteur.ice et de ses enjeux. Aujourd’hui nous vous proposons de comprendre quels sont les facteurs individuels et sociaux qui expliquent ce syndrome et comment il est possible de l’atténuer ou le contrer.

Qu’est-ce qui explique le phénomène de l’imposteur.ice ? Quels sont les facteurs prédisposants et explicatifs de la survenue de ce syndrome ?

Dans un premier temps, on peut retrouver des facteurs intra et inter individuels (c’est-à-dire propre à l’individu dans son fonctionnement interne et/ou dans ses interactions avec d’autre personnes).
D’abord, ce sont donc les critères inhérents à l’individu qui auront une part de responsabilité dans l’apparition (ou non) de ce syndrome, en fonction de nos traits de personnalité, de nos capacités à gérer le stress, de notre estime de nous-même, etc. En effet, une faible estime de soi augmenterait considérablement les chances de développer ce syndrome.

Ensuite, c’est l’environnement familial qui jouerait un rôle important dans le développement de ce syndrome. Ainsi, l’absence de renforcement, de mise en valeur de l’intelligence ou de la réussite d’un enfant (et donc la qualité de l’image de soi) renvoyée par la famille, les pairs, puis les professeur.es, ou encore des compétences jugées inhabituelles, atypiques ou différentes de l’environnement familial chez l’enfant influenceront l’apparition potentielle de ce syndrome. A l’inverse, la valorisation excessive de l’intelligence par la famille, par rapport aux autres qualités humaines, puis la crainte de ne pas atteindre ces attentes de réussite peuvent donc favoriser l’émergence de ce syndrome. La communication et l’expression des croyances parentales et familiales vis-à-vis de la réussite et l’intelligence participeront donc à favoriser ou non l’apparition de ce phénomène.

Dans un second temps, ce sont des facteurs sociétaux qui participent à l’émergence de ce syndrome (c’est-à-dire le contexte sociétal et culturel dans lequel nous évoluons).
En effet, dans un contexte social occidental de méritocratie, où la pression sociale à la réussite, les injonctions à la productivité et la valorisation de l’intelligence, de la rationalité sont reines, comment ne pas succomber au syndrome de l’imposteur.ice ? Et oui ! Nos sociétés compétitives, axées sur la performance, sont donc des environnements très propices au développement de ce syndrome.

De plus, les représentations sociales inadaptées et non réalistes vis-à-vis de certains statuts sociaux, professions, etc., ainsi que les tendances à la survalorisation de certains métiers ou de certaines formations (ex : études supérieures, thèse, médecine, etc.) créent un écart et des attentes irréalistes vis-à-vis des compétences que nous sommes supposé.es avoir.
Ainsi, toutes les nouvelles expériences, succès inattendus ou risques d’évaluation seront des périodes plus propices à un stress relativement important et à l’émergence probable de ce fameux syndrome.

Etant donné ces informations, on pourrait alors se demander s’il existe des profils “plus à risque” et plus touchés par ce syndrome ?
Et bien oui ! Et je ne vous le donne pas en mille, ce sont les femmes qui seraient les plus sujettes à ce syndrome. Mais attention, cela ne signifie pas que les hommes ne sont pas également touchés. Cela veut seulement dire que plus de femmes le subissent. Effectivement, dans des systèmes sociétaux majoritairement normalisés masculins et favorisant les hommes, la socialisation des rôles féminins créera un terrain prédisposé pour ce sentiment d’imposture. Alors, quand une femme choisira un mode de vie divergent ou inhabituel par rapport son milieu d’origine, ou dépassera les normes de sa famille en termes d’éducation ou de profession, le syndrome de l’impostrice aura davantage tendance à être au rendez-vous.

Oui, parce que le phénomène d’ascension sociale est également très associé à ce syndrome. Ainsi, si l’on vient d’une classe ouvrière par exemple, et que l’on monte dans la hiérarchie sociale, en obtenant un poste de cadre ou de professeur.e, on aura le sentiment de ne pas être à sa place, et de ne pas le mériter.Alors imaginez maintenant, une femme qui effectue une ascension sociale… Oui, alors là, on a un sacré bon combo pour atteindre le syndrome de l’impostrice ! Evidemment, nous évoquons le cas des femmes dans un contexte social bénéficiant aux hommes, mais il en va de même pour les personnes appartenant à des groupes culturels qui sont traditionnellement victimes de discrimination dans la société.

Mais alors, comment faire pour se débarrasser ou au moins atténuer ce syndrome ?

A un niveau personnel comme sociétal, il s’agira d’abord de prendre conscience de ce phénomène et d’en comprendre les mécanismes. Si l’on comprend que l’on n’est pas seul.e dans ce ressenti, qu’il s’agit d’un phénomène objectif et explicable par de nombreux facteurs biologiques, familiaux et sociaux, cela peut participer à alléger et relativiser le ressenti, le vécu.
Cela signifie que même si l’on peut mettre en place des changements pour venir à bout de ce syndrome, il ne faut pas perdre de vue dans notre système de manière plus globale, notamment en changeant la culture dans laquelle on vit.

Ensuite, il est possible d’adopter une démarche thérapeutique de suivi avec un psychologue clinicien et/ou de thérapie de groupes, si le syndrome est trop difficile à vivre au quotidien ou dans certaines périodes/situations.
Certain.es psychologues préconisent également la mise en place de différentes petites actions du quotidien pour pallier ces ressentis. Il est alors possible de s’entraîner à faire des attributions appropriées de ses succès. Ce qui veut dire, qu’il faut reconnaître qu’un succès n’est pas dû à la chance ou n’importe qu’elle autre chose, mais bien à soi-même, à nos propres compétences et potentiels. La chance est déjà assez valorisée comme ça, il s’agirait un peu de s’attribuer le mérite qui nous revient.

En effet, cette démarche de gymnastique mentale permet de faire une “restructuration mentale”, mais aussi d’assouplir le biais cognitif d’attribution. Il devient alors possible d’apprendre à reconnaître ses succès comme tel et à porter un jugement plus nuancé sur soi-même pour progressivement prendre conscience de son potentiel.
Et puis… Comme le dirait Mandela: “le courage ce n’est pas l’absence de peur. mais la capacité de la vaincre”.

Merci d’avoir écouté cette capsule de 100g de savoirs, réalisée par Farrah Tbal, étudiante à l’Université Libre de Belgique, Pascaline Van Oost, doctorante de l’Université Catholique de Louvain-La-Neuve et, Sarah Leveaux, doctorante de l’université de Lyon. Nous vous retrouvons très vite pour de nouveaux épisodes passionnants !

Références:
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