Avoir un bon prof, ça change la vie: une démonstration (quasi) mathématique

Avoir un bon prof, ça change la vie: une démonstration (quasi) mathématique

On se dit parfois qu’un professeur a changé notre vie…Mais cela semble souvent relever de l’appréciation subjective. J’ai récemment découvert une étude (Chetty, Friedman, & Rockoff, 2014) dont le but était d’examiner quantitativement l’impact à long terme d’avoir un bon (ou un mauvais) prof durant son apprentissage scolaire. Comment s’y sont pris les chercheurs en question? Première étape: on examine une cohorte complète de classes dans une zone donnée (ici le district scolaire de New York). On peut ainsi estimer l’augmentation de  la performance moyenne des élèves sur des tests standardisés en fonction du professeur qu’ils ont eu. On classe de cette façon les profs en termes de “valeur ajoutée” (VA): selon que leurs élèves aient vu leurs scores augmenter beaucoup, un peu, voire pas du tout… C’est en quelque sorte le classement ATP des profs (sauf qu’il n’est heureusement pas public). Une fois qu’ils disposaient du classement des professeurs selon leur VA, les auteurs de cette étude se sont intéressés à 1 million (!) d’enfants du même district scolaire sur une longue période (entre 9 ans et l’âge adulte) et ont examiné l’évolution de leurs performances en fonction de la VA du professeur qui leur échoyait. Et effectivement, comme on peut s’y attendre, les élèves qui se voient attribuer un professeur à haute VA obtiennent des performances plus élevées dans le domaine enseigné par ce professeur que ceux qui se voient attribuer une basse VA. Là où ça devient plus intéressant toutefois, c’est que les chercheurs ont pu suivre ces élèves jusqu’à l’âge adulte et disposaient donc d’informations sur leur vie après leurs études. Grâce à ces données, il était par exemple possible de calculer l’impact de la qualité du professeur en question sur leurs revenus ultérieurs. Et que constate-t-on? Le fait d’avoir eu ne fût-ce qu’un professeur à haute VA dans une branche donnée (ici il s’agissait d’Anglais et mathématiques, donc deux matières importantes) pendant un an augmente sensiblement la probabilité de faire des études supérieures, de vivre dans un “beau quartier”, d’avoir un haut salaire, d’épargner pour sa retraite et diminue la probabilité d’avoir des enfants lorsqu’on est encore adolescent! L’impact est non négligeable d’un point de vue financier: par exemple, selon le modèle statistique estimé à partir des données récoltées, remplacer un prof qui est dans les 5% les plus faibles en termes de VA par un autre qui est dans la moyenne génèrerait plus d’1 million de dollars de revenus supplémentaires pour l’ensemble de sa classe tout au long de la vie des élèves concernés. Et ça, c’est juste pour un seul prof… Outre l’intérêt que cela peut présenter pour les intéressés, cela n’est pas sans incidence sur les caisses de l’Etat dès lors que ces élèves sont amenés à payer des impôts… Faire en sorte que les profs soient compétents et motivés, ça peut donc rapporter à tout le monde. CQFD.

Références

Chetty, Raj, John N. Friedman, and Jonah E. Rockoff (sous presse). “Measuring the Impacts of Teachers II:Teacher Value-Added and Student Outcomes in Adulthood.American Economic Review.

Olivier Klein

Professeur ordinaire

Co-director of the CeSCuP Full-time Academic

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